Avant propos
Ce mémoire, rédigé en mai 1936 par Michel Leclercq, de sa belle écriture régulière, est le fruit de quinze années d’expérience. Il nécessite parfois des connaissances agronomiques.
Grâce à la transcription de Gabriel, son fils, dans son œuvre “La ferme de Noël à travers les âges”, nous avons l’opportunité de découvrir les questions agricoles de l’époque, les méthodes pour les résoudre, et de nous inspirer de ces pratiques pour notre propre environnement, qu’il s’agisse d’une terre ou d’un jardin.
Douze ans plus tard, en 1948, un stagiaire nommé Jean Goubault a rédigé un mémoire complémentaire. Son objectif était de proposer des améliorations pour le fonctionnement de la ferme, à l’aube d’une révolution agricole.


Introduction
“En juillet 1921, j’ai acheté la Ferme de Noël et décidé de l’exploiter moi-même. Conscient des défis posés par les terres graveleuses et arides de la région, j’ai opté pour un assolement basé sur des plantes fourragères, notamment des légumineuses, plutôt que des betteraves, qui nécessitent beaucoup de fumier.”
Michel Leclercq
Pour plus d’information sur l’assolement et la rotation des cultures, rendez-vous à la fin de cet article1.
Gestion des terres
Les prés naturels
“J’ai décidé de transformer 50 à 60 hectares en prés naturels, évitant ainsi les zones inondables et les terres improductives. Ces prés, semés au printemps 1922, comprenaient des graminées fines et des légumineuses, et étaient clôturés pour optimiser leur gestion. Ils m’ont permis de nourrir un bétail de plus en plus nombreux et de constituer des réserves fourragères essentielles pour faire face aux sécheresses.“

Les cultures

“Sur les 111 hectares restants, j’ai adopté un assolement de 7 ans, incluant betteraves sucrières, blé, avoine, et fourrage. J’ai ajusté cette rotation en fonction des besoins et des conditions climatiques, intégrant des prairies temporaires pour maximiser la production fourragère.”
Élevage et gestion du bétail
Vaches laitières
“Je me suis tourné vers l’élevage de vaches laitières de race normande, réputées pour leur production laitière et leur viande de qualité. J’ai transformé le lait en beurre, que je vendais facilement à Brienon. Pour éviter les maladies, j’ai élevé moi-même mes animaux et n’ai acheté que des taureaux de bonne lignée.“

Porcs et moutons
“Après avoir expérimenté différentes races de porcs, j’ai opté pour des croisements avec des verrats “Large White”, produisant des porcs de qualité avec une alimentation optimisée. J’ai également élevé un troupeau de brebis, produisant des agneaux gras grâce à une gestion rigoureuse des prairies et des ressources fourragères.“

Améliorations et modernisation
Infrastructures
“Pour améliorer les conditions de vie et de travail, j’ai modernisé les bâtiments de la ferme. J’ai construit de nouvelles étables, des hangars, et aménagé des chemins pour faciliter l’accès. En 1935, j’ai installé l’électricité, apportant lumière, eau et force motrice à la ferme.“
“Au cours de ces 15 années, j’ai investi massivement dans l’infrastructure et l’amélioration des terres, notamment en modernisant les bâtiments et en optimisant les pratiques agricoles. Ces investissements ont porté leurs fruits, car la ferme n’a pas seulement subvenu aux besoins de ma famille, mais a également généré une rentabilité significative.“
Un tracteur ?

“J’aurais pu aussi recourir à leur place à un tracteur. Je ne m’y suis pas décidé pour les raisons suivantes : la faible étendue des terres cultivées restreint le nombre des jours d’emploi, d’où l’augmentation à l’hectare travaillé des frais d’amortissement et d’intérêt. De plus, cela rend le choix du conducteur difficile car en général les bons conducteurs de tracteur n’aiment pas faire les manœuvres dans une ferme. Quant à le conduire moi-même, la surveillance du nombreux bétail me l’interdit sous peine de perte du côté des animaux. De plus, les années dernières, on en a vu l’utilité, il est plus avantageux de consommer ses produits (avoine, foin, paille) que d’acheter du carburant.“


NdR : les hommes ouvriers et fermiers étaient attachés à leurs animaux : c’est ainsi qu’ils leur donnaient un nom et ainsi les caches s’appelaient Ramé, Joli, Cadet , Mouton, Jaunet , Corbin. Les bœufs les remplacèrent en 1945. Adieu , raconte Gabriel, je ne regrette pas de vous avoir connus
Conclusion
“Ce mémoire reflète mon parcours et ma détermination à transformer la Ferme de Noël en une exploitation prospère. Chaque décision et transformation a été soigneusement planifiée pour garantir un retour sur investissement et améliorer la productivité de la ferme. Un point essentiel de ma gestion a été la séparation stricte des comptes personnels et ceux de la ferme, ce qui m’a permis de réinvestir systématiquement les bénéfices dans l’exploitation.“


- L’assolement est une pratique agricole qui consiste à alterner les cultures sur une même parcelle de terre selon un cycle déterminé. Cela permet de maintenir la fertilité du sol, de réduire les maladies et les ravageurs, et d’optimiser l’utilisation des ressources. Dans le cas de Michel Leclercq, il a adopté un assolement de 7 ans, ce qui signifie que chaque parcelle de terre est cultivée avec une culture différente chaque année sur un cycle de 7 ans. Voici une explication de son assolement, présentée sous forme de tableau : ↩︎

