Gabriel Leclercq (1922 – 2003)

Une enfance heureuse

Né le 31 mai 1922 à la ferme de Noël à Brienon-sur-Armançon, Gabriel Leclercq passe toute sa vie sur ces terres que son père Michel a achetées en 1921.

Entouré de ses sœurs Françoise et Jacqueline, il grandit dans un foyer où sa mère, Germaine Chamard, l’ouvre au monde tandis que son père, de santé fragile, gère la ferme. Gabriel a été pensionnaire au collège Saint Jacques à Joigny.

La famille Michel et Germaine était très liée avec la famille Chapuis, celle d’Henri et de Colette. Les cousins étaient presque de la même génération, Gabriel (1922), Françoise (1924), Jacqueline ( 1926) du côté Leclercq, Jacques(1918), Jean (1920), Aliette (1922), Michel (1925). du côté Chapuis. Retrouvez- les sur ces photos et en consultant cet article de la saison 1.

Le tournant de la guerre

Au début de la guerre, son père Michel est mobilisé. Gabriel se retrouve à 17 ans à la tête de la ferme et de son personnel.

Avec l’avancée allemande, il part en exode pendant deux mois avec sa mère et ses sœurs près de Brive (« la Perche »).De retour à la ferme en septembre 1939, il y travaille jusqu’au printemps 1943, où sa classe est recensée. Après une première étape à Nitry, il part jusqu’à la fin de la guerre à Linz, en Autriche pour le STO (service du travail obligatoire). Il retrouve la ferme le 28 mai 1945.

Gabriel raconte la réquisition de la classe 22 de Brienon en mai 1943 :

Le 2 juin 1943, les gendarmes nous apportèrent notre ordre de réquisition pour aller travailler en Allemagne, en exécution des lois du16 février 1943 instituant le service du Travail Obligatoire (STO) . Nous nous sommes donc retrouvés sur le quai de la gare, le 4 juin, dans la matinée, entourés de nos parents, et pour moi de Marie-Edmée -avec qui j’étais fiancé- et de Jacqueline, plus trois gendarmes de Brienon pour vérifier que nous prenions le train.
Nous étions tous agriculteurs, et nés en 1922. Les autres professions de notre classe, étant déjà parties en mars. En ce jour du 9 juin 1943, nous entrons en gare de Linz en Autriche, ville que nous ne quitterons que 23 mois plus tard. Cela, nous ne le savions pas et c’était mieux ainsi, car nous avions l’espoir que notre exil ne durerait que quelques mois.

Le retour à la ferme et le mariage

Gabriel raconte ses retrouvailles avec Marie-Edmée à sa libération, le 28 mai 1945 :

Quand il me déposa devant la grille, qui comme d’habitude était fermé, vers 21h, mon inquiétude était grande, car il y avait devant la grille une jeep et devant la porte du pavillon vert une femme que je ne connaissais pas (Bernadette embauchée pendant mon absence), et deux soldats américains.
Au bruit que je fis en ouvrant la grille, Maman qui était dans sa chambre apparut à la fenêtre : Ouf, cela allait beaucoup mieux !
Après avoir embrassé mes parents et mes sœurs, j’ai demandé des nouvelles de Marie-Edmée et Jacqueline se proposa d’aller trouver Bernadette afin qu’elle demande aux Américains (c’étaient des polonais comme elle) de l’amener à Crécy, le téléphone étant en panne et notre auto sur cales.
Moins d’une demi-heure plus tard, Marie Edmée et moi nous nous retrouvions
.

Le mariage de Gabriel et de Marie-Edmée a lieu le 11 juillet 1945, 44 jours après sa libération.

A partir de 1946, son père lui laisse la responsabilité de l’exploitation de la ferme, tout en continuant à le conseiller.

Gabriel modernise la ferme en introduisant tracteurs et moissonneuses-batteuses et s’oriente vers un élevage porcin intensif. Son activité et ses compétences l’ont entraîné à entrer dans la Coopérative Agricole de Porc de l’Yonne (C.A.A.P.Y) ce qui lui valu responsabilités, voyages et aussi des difficultés avec la dissolution de la coopérative en 1976.

En 1985, il laisse la responsabilité de la ferme à son fils Antoine (33 ans) qui l’exploite jusqu’en 2015.

Un homme de famille

Gabriel, c’est aussi un homme accueillant. Avec Marie-Edmée et leurs enfants, la tradition familiale d’hospitalité initiée par ses parents se perpétue.

A chaque vacances, la ferme est le lieu de retrouvailles des enfants et petits-enfants, mais aussi des cousins Copreaux, Lemaître Leclercq de Crécy… Certains restent même tout l’été, aidant aux travaux de la ferme sous la houlette de Gabriel :

“Vous pouvez faire la fête toute la nuit, mais le matin, à 8h, au boulot !”

Le travail aux champs alterne avec les baignades et les parties de pêche dans l’Armançon, rivière qui tient une place particulière dans son cœur.

Cet accueil s’est perpétué avec les années où chacun, devenu adulte, vient avec sa famille au printemps, à l’été, ou encore pour la chasse. La génération d’après en garde encore la trace.

Noël accueille également de nombreuses réunions familiales. Ces fêtes de famille à la ferme sont une belle occasion de garder le contact avec tous : Gabriel et Marie-Edmée recevaient avec chaleur et simplicité.

Marie-Edmée, Gabriel et leurs enfants : de gauche à droite, Dominique, Anne, Benoît, Philippe et Antoine devant
Photo de famille daté de 1966. Trois absents de marque, Dominique et Vincent (c’est l’année du bac!) et Guy, le photographe. La famille Leclercq avec Gabriel, Marie Edmée et leurs enfants : Philippe, Benoît Anne, (Dominique), Antoine. La famille Lemaître : (Guy) et Françoise et leurs enfants : Sylvie, Vincent, Laurent, Marie, Denis, Elisabeth, Anne Françoise et Agnès sur les genoux de notre grand-mère Germaine. La famille Copreaux avec Maurice et Jacqueline, François , Pierre et Michel qui caresse le chien. Au premier rang de chaque côté , les tantes Marlot avec Tante Thé (pour Thérèse) et Tante Mali (pour Marie Louise), les tantes de Marie-Edmée. Regardez bien les coiffures, les fumeurs étaient permis, cigare pour Gabriel , pipe pour Maurice. Mai 1968 approche.

Un homme de passions

Dès sa “retraite”, Gabriel explore de nombreux centres d’intérêt. Curieux et autodidacte, il explore des domaines variés avec créativité et plaisir.

Informatique et généalogie

Précurseur, il s’initie à l’informatique et crée dans les années 1990-2000 un site internet familial basé sur ses recherches en généalogie. Il rencontre fréquemment quelques problèmes

Généalogiste passionné, il rédige 5 livrets sur l’histoire de la famille et un volumineux document sur la ferme de Noël (308 pages), agrémentés de photos qui nous servent beaucoup aujourd’hui pour alimenter ce site familial.

Un chasseur passionné

Passionné de chasse, formé par son oncle, il a vécu d’abord une période faste en perdreaux et en lièvres avant s’assister à une lente et inexorable diminution du gibier, attribuée surtout au mode de culture. Les repas de chasse à la ferme et chez les Moreau sont restés dans notre mémoire.

Pour en savoir plus sur la chasse à la ferme de Noël, consultez l’article dédié.

La pêche, sur l’Armançon

1800 mètres de rivière. Une aubaine pour les pêcheurs de la famille : Philippe et Gabriel ont été les plus acharnés à la canne et parfois au carrelet, aux gros poissons et à la friture…

Pour en savoir plus sur la pêche sur l’Armançon, consultez l’article dédié.

Le musée agricole

A partir de 1990, il aménage également un musée agricole une grange à l’entrée de la ferme. Il y passe deux heures par jour, été comme hiver, à inventorier les milliers d’objets répertoriés qu’il présente sur deux niveaux mais aussi à l’extérieur et dans une autre partie du corps de ferme. Tous les détails sont aussi compilés pour leur mémoire, dans un album photos.

Il collectionne outils manuels et mécaniques, véhicules (dont un corbillard hippomobile) et équipements de certains métiers avec des mises en scène comportant des mannequins… Il y expose aussi des animaux. On peut en effet y admirer son travail de taxidermiste, mettant en valeur la faune locale. Ce lieu devient un conservatoire de la mémoire agricole et rurale, rassemblant plus de 100 machines et 1 700 objets. Il abrite aussi une partie de l’histoire de Brienon avec les outils du dernier bourrelier et du dernier cordonnier de la ville.

Dans une ferme qui date de 1830, ce musée expose les étapes du développement du machinisme agricole sur 200 ans ainsi que tous les outils de la vie d’antan. Ce musée existe toujours et a accueilli classes et autres visiteurs extérieurs pendant plusieurs années, en association parfois avec la visite de l”élevage de cerfs des voisins Jean et Hervé Moreau, à la ferme de Saint-Loup. Il est a priori toujours visitable aujourd’hui mais demande un entretien conséquent !

Chasseur, pêcheur, taxidermiste, généalogiste, informaticien avant l’heure, il multiplie les initiatives. Il collectionne aussi les papillons et élève des poissons. Sur sa ferme, il aménage même un étang. Passionné de photographie, il immortalise son époque et son environnement. Cela nous permet aujourd’hui d’illustrer ce site de façon vivante. En bref, un homme aux mille passions, toujours en quête de découvertes !

Un personnage haut en couleur

Gabriel n’est pas qu’un homme de traditions : il a du caractère ! Gourmand et gourmet, il sait apprécier les plats de Marie-Edmée, dont les tartes restent inégalées. Mais il est aussi critique et ne manque pas de faire réagir ses sœurs qui défendaient Marie-Edmée, dont nous mesurons avec le recul les qualités de maîtresse de maison. Il est aussi exigeant, soucieux de la sécurité à la ferme, capable d’une “soufflante” bien sentie lorsqu’il craint un accident, notamment dans les fosses à lisier et autres endroits sensibles.

Il était de son temps aussi pour la répartitions tâches : « les garçons dehors dans les champs et les filles aux tâches ménagères » ! Mais à l’heure de l’apéro, les femmes sont toujours en cuisine alors que les hommes se reposent…

Mais avant tout, Gabriel est un passeur. Passeur d’histoire, de passions, de savoir-faire. L’homme était curieux de tout, toujours actif, avec un charisme qui emporte l’adhésion, communiquant avec talent à table ou dans son bureau, où les discussions allaient bon train.

Il nous a quitté le 3 août 2003, laissant derrière lui un héritage immense. La ferme de Noël continue d’accueillir la famille et les amis, perpétuant l’esprit de celui qui l’a tant aimée.

Merci Gabriel

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Scroll to Top