L’évènement du 1er février 1955
« C’est alors qu’il était Président de la CGB, qu’un certain 1er février 1955, à Lille, Pierre Leclercq est à la tête de 15000 agriculteurs, et se portant courageusement dans les premiers rangs, a été mutilé dans sa chair ».
Il y a ce jour là vingt blessés, dont deux parlementaires (M. Vandaële, sénateur indépendant, et Mme Galicier, députée communiste) et Pierre Leclercq, Président de la CGB.
Pourtant, ce ne doit être qu’une délégation apportant les doléances du monde agricole en crise au Préfet. Mais des poussées non maitrisées de nombreux manifestants devant les CRS entraînent le recours de ces derniers à des moyens énergiques : bombes lacrymogènes – utilisées pour la première fois – et crosses de mousqueton. Cela provoque une réaction rapide et brutale des manifestants.
Leurs revendications : l’absence de politique agricole, la demande d’aide à l’exportation -comme pour l’industrie-, la demande de participation à l’organisation du marché d’exportation (futur marché commun), le rejet du projet d’institution d’un fonds de garantie mutuelle et d’orientation de la production agricole financé par une nouvelle taxe basée sur le revenu cadastral.
La défense du monde paysan
L’événement était prévisible. Paul Reynaud, député du Nord dénonce ainsi le 25 novembre 1954, l’inquiétude, le trouble et la rancœur de nombreux milieux agricoles.
Il suggère au Président du Conseil, le 3 janvier 1955, qu’il serait plus digne et plus habile pour l’Etat de ne pas attendre la contrainte des mouvements sociaux aujourd’hui menaçants, pour passer aux actes.
A ce moment là, rien ne va en agriculture, faute d’une politique agricole mal définie : « les sommes dues par l’état pour des récoltes effectuées en 1953 ne sont toujours pas réglées en 1955 !” A ce défaut de ponctualité s’ajoute celui de la non coordination. Les pouvoirs publics, conseillés par leurs services techniques, poussent les agriculteurs à l’expansion de la production et aux investissements. Mais s’ils parlent continuellement des débouchés et d’organisation des marchés, rien ne vient. Les organisations professionnelles ne se sentent ni écoutées, ni consultées, malgré leur expérience et leur niveau d’expertise dans leur domaine.
Enfin si les agriculteurs admettent le contrôle nécessaire de l’Etat, ils réprouvent son ingérence dans leurs organisations qu’ils veulent strictement professionnelles
Le syndicaliste
Être un grand dirigeant agricole sur le plan national n’est pas de tout repos, bien au contraire ! La fonction comporte des risques et peut entraîner bien des inimitiés. C’est la rançon de la gloire. Ainsi en a-t-il été pour Pierre Leclercq. Inquiété à la Libération comme tant de chefs agricoles, il n’eut aucun mal à se justifier et, contrairement à ce qu’en pensaient ceux qui essayaient de le discréditer, il est brillamment réélu à la présidence de la CGB et sa combativité en est redoublée.
Tout au long de ces années de présidence de la CGB, il est l’infatigable animateur de la défense professionnelle, tant sur le plan économique que politique. Son action est particulièrement importante au niveau interprofessionnel : il œuvre en effet pour l’amélioration des conditions générales d’achat et nous lui devons d’avoir pu réaliser l’unification des contrats de betterave. Parallèlement, il lutte avec vigueur pour protéger la production d’alcool de betteraves. Il est également le défenseur acharné du revenu des planteurs et on lui doit la fixation dès 1946 d’un prix raisonnable de la betterave. Le plan quinquennal ayant pris fin en 1950, il intervient de toute sa fougue auprès de Monsieur Pflimin, au cours d’une réunion en salle Sully, au ministère de l’agriculture, pour le faire proroger en 1951.
Ce combat, il le menait avec force et cela amenait parfois le tribun qu’il était, à commettre certaines violences oratoires. C’est ce qui se produit lorsque prenant la parole après le président Deleau au cours du rassemblement du carrefour de Beauval (près de Lizy sur Ourcq en Seine-et-Marne), il s’en prit au président du Conseil du moment.